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Poussières de siècles
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15 août 2011

Les métiers de notre arbre, le blanconier ou mégissier 2

Alors donc notre Thomas qui est "blanconier" ne travaille pas pour approvisionner sa bourrellerie... ce cuir souple utilisé aussi par les cordonniers, savetiers, selliers, relieurs et qui lui est nécessaire à cette activité est un cuir qui est produit par les corroyeurs...ATELIER MEGISSIER

La mégisserie qu'il professe est un "art" particulier qui emploie l'alun pour obtenir des peaux délicates, douces et blanches utilisées dans la ganterie, la cordonnerie et la reliure de luxe, elle prépare aussi le travail des parcheminiers, qui fut le seul support des copistes européens au Moyen Âge jusqu'à ce que le papier apparaisse et le supplante. À la fin du XIVe siècle, il est utilisé essentiellement pour la réalisation de documents précieux, d'imprimés de luxe ou encore pour réaliser des reliures. 

Et surtout elle fabrique ces parchemins en peau de veau mort-né, d'une structure très fine, qui sont appelés vélins qui diffèrent des parchemins par leur aspect demi-transparent et sont fabriqués à partir de très jeunes veaux, les plus beaux et les plus recherchés provenant en général de fœtus. 

Thomas ne roulait probablement pas sur l’or... même s’il gagnait bien sa vie.  

L’essentiel de son capital macérait dans ses cuves en se bonifiant doucement comme le bon vin...  

Les peaux représentaient donc une importante immobilisation d’argent entre l’achat des « peaux vertes » et la revente des « peaux mégies ». Cette immobilisation s’étendait sur plusieurs semaines. 

Il avait donc constament des peaux en travail à différents stades de la transformation... 

Bien des petits blanconniers qui achetaient quelques peaux à la fois ne pouvaient sans doute pas lutter contre les gros négociants qui achetaient les peaux de toute une année, avec une avance pour être sûr que les bouchers leur réserve la marchandise...  

De tous temps il est obligé de se débrouiller pour trouver les peaux convoitées. Ainsi est-il souvent contraint de profiter de sa parenté ou de son voisinage pour obtenir des prix acceptables... 

C'est son oncle, Gilles Bourdais(a), qui lui fournit le principal de la matière, c'est le frère de sa mère Françoise, dont la famille est boucher de père en fils...boucher3

 

Lorsque Thomas rentre les peaux il procède d'abord à leur salage, il les empile côté chair au dessus, évâille (0)le sel de guérande et les superpose en tas pour quinze jours environ...

Ce matin... il s'est levé à "la piqe dou jou, il ét cin z’oures"(1) sa julienne est déjà debout, elle avait ravivé le feu et préparé la peùs(2) du matin, il s'installa sur le banc en face de son arpète, le bassin fumant entr'eux, un gros morceau de beurre y fondait doucement, ils passèrent leur cuillère dedans, la ramenant doucement vers eux, la trempant dans le bol de lait cuit que la julienne avait préparé pour chacun d'eux ils mangèrent tranquillemnt jusqu'à plus faim...

L'apprenti se régalait...sa mère qui n'était pas riche, faisait de "la noce"(3)... elle avait beau faire tremper la farine d'avoine non blutée,la veille et la passer dans un sac de toile avant de la cuire...rien n'égalait la bouillie de la maîtresse au bon goût de beurre

La Julienne debout derrière eux, veillait à ce qu'ils ne manquent de rien en "tuchonant"( 4) la petite

Lorsqu'ils se levèrent de table, elle était déjà à son pétrin, c'était jour de cuisson au four banal, hier le Korn-Boud avait sonné pour prévenir les femmes, lorsque la trompe marine retentirait à nouveau, cela voudrait dire que le four serait prêt à être enfourné, toutes les femmes s'y rejoindraient, leurs pains à cuire sur une charette à bras, pendant "la qherie d’pain"(5)elles auraient quelques heures devant elles pour bavarder en filant la quenouille...

De retour avec ses beaux "tourtiaux" craquants et encore chauds, elle les rangera dans la claie en bois suspendue au plafond ainsi que les morceaux de lards et de viandes séchées...

Elle ne boulangeait pas tous les jours la Julienne, elle connaissait le proverbe "bellefille, pain frais et bois vert mettent une maison au désert..."aussi savait-elle que le pain rassis se mange moins vite que le pain frais !

Et puis en plus d'économiser la farine cela ménageait sa peine...

AUROREThomas est déjà sorti dans la rosée du matin, Faet-y fré (6)l'estomac plein, il va pouvoir " yetr fezant"(7) 

Il va jusqu'à sa cabane au ruisseau,à deuz qhulbutées touéiz encalées(8), la peau, c'est un métier humide !

Il débute sa journée par le rognage ou retaillage des peaux salées, il ôte les pattes, oreilles, queues et tétines 

BOULOIR MEGISSIERSElles sont ensuite immergées dans les padèles(9) remplies d’eau par l'arpète, l’hiver, elle est glacée ! Le reverdissage dure 48 heures pour les peaux salées, ils les enfoncent d'un côté et de l'autre, à l'aide du bouloir à grand manche, Il tâte celles qu’il a mouillées hier... 

Pour elles, c’est bon. Il les sort, vide l’eau sale et remplit de nouveau la padèle avec de l’eau propre, de la chaux vive et de la cendre de salicornes(10). 

Encore quelques jours et les peaux seront prêtes à être époilées et écharnées.

Une troisième padèle à maturité attend à côté

Thomas jure ! la salicorne...quand c'est mélangé à la chao, c'est une vrai saleté, les dais(11) même emmaillotés de chiffons, sont couverts de ferlace(12)

le mal ne guérit jamais...ce sont des roucheries(13) permanentes...

A huit heures ils s'arrêtent juste pour manger un morceau de pain beurré et avaler un lichon de mauvais cidre 

C'est le moment de passer au délainage de la cuve suivante, avec la fermentation il s'est produit un gonflement qui va faciliter le décollage des poils, deux billots de bois, des couteaux qui pendent au plafond… 

Le couteau de fleur émoussé enlève les poils qui tombent par terre en petits tas sales, la peau doit est simplement effleurée...

MEGISSIER COULEURDes heures courbé au-dessus d’un chevalet, à racler, rogner, il est éreinté !

De fréquents rinçages dans la rivière sont indispensables, c'est le gamin qui s'en charge. Il met de côté la laine graisseuse encore chargée de suint, la maitresse s'en chargera plus tard. 

Thomas passe d'un billot à l'autre pour ne pas perdre le rythme

La peau revient alors sur le chevalet pour un grattage vigoureux de haut en bas visant à ôter tous les fragments de chair et de graisse d’un côté et tous les poils de l’autre ceci avec une pierre de grès ou des couteaux sans tranchant dits « couteaux ronds ou sourds ». L'enfant et Thomas poursuivent leur travail, Thomas, "bossé"(14) sur les billot, les peaux coincées avec "sa beuille(15) 

Il rogne avec soin les bords et retire chaque lambeaux pour donner une forme régulière à la peau

Alors que l'apprenti fait le dernier rinçage, il redresse enfin son dao et ses rintias(16) raidis par l'effort, dehors le ciel est bleu et le soleil à son zénith, eghassae(17)il a le glavio sec, mais la Julienne arrive avec une cllâzée de galettes et le pisse-qenao(18)

Après la merrienne, et une dernière pipe, ils reprennent leur labeur...

Advéprée(19)la Julienne reste s'occuper de la laine, elle a placé la petite marie dans un filet pendu au plafond, l'enfant repue s'endort rapidement au coeur du balancement que sa mère a mis en branle... 

TONTE MOUTON FEMMEElle prépare un bain de cendres de salicorne et de savon à la graisse de porc et à l'alun pour éliminer le suint, la laine en sortira parfaitement dégraissée qui sera prête au peignage une fois qu'elle sera rincée et séchée.A la saison, elle tond aussi ses moutons...

Thomas quand à lui découvre une padèle remplie du mélange de crottes de chiens  qu'il a préparé 8 jours plus tôt...

L'odeur épouvantable se répand aussitôt...mais ils y sont habitués...

Il prépare le bain de confitage en passant la mixture dans un vieux sac au dessus d'une cuve d'eau que le gamin a tiédie pendant le repas

Thomas y met les peaux à macérer en les remuant... 

C'est ici que les peaux commencent à prendre tout leur moelleux, leur souplesse... 

Il s'adresse à l'arpète:"Tu melayes bin tout les z'oures"(20) et vérifie l'état des peaux qu'il a mis la veille dans le confitage de son pour le déchaulage, au bout de 24 h maximum, il est terminé...mais il prend soin de vérifier l'acidité de son bain avec la chlorophylle des feuilles qui change de couleur en fonction de sa présence ... 

Il en prépare un nouveau pour demain et vérifie celui qu'il a préparé la veille en versant l'eau tiède sur le son... 

Toute la journée, thomas est entre le travail d'hier, celui d'aujourd'hui et la préparation de celui de demain...  

En même temps, il prépare Ene miaojée(21)il a fait fondre l'alun dans de l'eau, avec du sel, de la farine, il basse l'zoe(22) 

Il aime faire celà car la mixture sert de baume pour cicatriser ses derlaces… 

Plus il y aura d'oeufs et plus la peau sera moelleuse et veloutée... 

De decroche en decroche(21) il contrôle la durée du 1er confitage...il ramène du liquide et de l'air dans un repli de peau...si l'air passe à travers les pores, c'est que le confitage est à point, parfois aussi, il presse fortement la peau côté fleur, avec son pouce... 

Alors, il  ébrive(22) la peau sur la table... elle s'affaisse sur elle même, elle est douce et glisse entre les doigts... 

BLANCONIER CORROYEURIl la reprend et lui fait à nouveau subir un décrassage avec une coeurse d'ardoise et la rince à nouveau... 

Il fonce(23) les peaux dans le bain de son qu'il couvre de pierres pour les maintenir au fond, de temps en temps, ils mélangent... 

A ce moment, ilreprend sa mixtre et l'allonge avec de l'eau pour en faire une boullie, il sort les peaux dont le déchaulage est à point, et applique la bouillie sur la peau étendue sur la table, il la fait pénétrer côté chair en frottant uniformément, la couvre de bouillie et la plie en deux côté chair pour l'empêcher de sécher... 

Quand il en a quelques unes, il les roule et les empile sous un sac couvert d'une pierre pendant cinq jours... 

Les heures passent, la fatigue pèse sur ses épaules, les dernières peaux sont rangées, la lumière change déjà...  

Mais la journée n'est pas terminée... 

Il reprend les peaux qui ont déjà 5 jours, les secoue pour éliminer la pate séchée ou humide, et les donne à laver au gamin qui les égoutte sur des perches à l'ombreBANC A PALISSONNER

 

Il va commencer, avant leur séchage complet, le palissonage de celles qui égouttent depuis la veille, il va les frotter inlassablement côté chair en dessous, contre la planche en les déplaçant énergiquement, d'avant en arrière et d'arrière en avant avec la pression adéquate, pour accentuer leur blancheur,si le cuir est trop sec,pendant la nuit, il les couvrira uniformément de copeaux de bois blanc sans tanin (hêtres, charmes, tilleuls) et humidifiés...  il recommencera le lendemain... 

Jusqu'à faire du cuir souple, Doujer(28) fin comme de la soie immaculée... 

Le finissage exige de l'habileté et de la patience, il faut le temps... le cuir doit rester en pile parfois 3 semaines...                                                         

FAMILLE BRETONNELe finissage à la pierre donnera tout son velouté à la peau...

Après onze, parfois douze heures de trime, ils saetent pu d’ou q’il n-n èt (29) ils rentrent à la maison ...

La Julienne à préparé la soupe grasse, avec le choux et le lard, ce soir c'est fête ! le pain est frais du jour...

 

tous les mots et expressions gallo sont tirées de (Mon canepin de galo, version 3 par Galoromaen)
(0)Répandre, étaler 
(1)à l'aube, il est 5h
(2)bouillie de farine de sarrasin à l’eau
(3)Bouillie d’avoine à l’eau
(4)cajolant
(5)la cuisson du pain
(6)il fait frais 
(7)Être efficace, actif
(8)À deux pas
(9)Cuve en terre cuite
(10)La salicorne Autres noms communs : salicot, passe-pierre, criste-marine, perce-pierre,On s'en sert encore aujourd'hui pour produire de la soude végétale, qui était autrefois utilisée pour la fabrication du savon et qui entre encore aujourd'hui dans la composition du savon d'Alep. La soude servant à la production de verre, provenait de la combustion de la salicorne. Aussi, au 14e siècle, on raconte que les verriers déplaçaient leurs ateliers en fonction des zones de pousse de cette plante herbacée si étroitement liée à leur métier.
(11)les doigts
(12)crevasses
(13)douleurs aiguës
(14)courbé
(15)son ventre
(16) le dos et les reins
(17)fatigué
(18)le gosier
(19)une pile de galette et du mauvais cidre
(20)cet après midi
(21)Tu mélanges bien toutes les heures
(22)Préparation avec bcp d’ingrédients
(23)bat les oeufs
(24)par intermitence
(25)jette
(26)il met au fond
(27)Doux, délicat, soyeux
(28)Un travail exigeant de la minutie
(29)il est excessivement fatigué


 

 

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Commentaires
M
Bonjour, je suis du Québec, Canada et en faisant des recherches j'ai pu obtenir le métier de mon ancêtre arrivé au Québec dans les années 1600, il venait de Ste-Croix-des-Pelletiers en Normandie et il était Blanconier. Vous m'avez beaucoup appris sur ce métier méconnue de nos jours. <br /> <br /> Merci mille fois<br /> <br /> Michèle Garand
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