2 janvier 2012
Bourgeois de Valenciennes 1, Jean Bernier
Nous sommes à Valenciennes en l'an 1333...
orsqu'on parle aujourd'hui des Bourgeois, on a quelques difficultés à imaginer la
richesse et l'importance de ces notables en des époques reculées....
Cependant le fait suivant peut nous éclairer sur l'ampleur des moyens qu'avaient certains
bourgeois de la noble et franche ville de Valenciennes au moyen-âge.
L 'an 1333, vers la Chandeleur, le comte de Flandre Louis de Nevers, armant pour faire la
guerre au duc de Brabant, se rendit avec tous ses confédérés à Valenciennes , pour y
parlementer avec le comte Guillaume de Hainaut.
Malheureusement, Guillaume souffrant abominablement d'une crise de goutte, était contraint
de rester alité en son palais de la Salle-le-Comte...
l requit Jean Bernier, le fils de son Prévôt Jean Bernier d'Avesnes, notable et riche
bourgeois de Valenciennes, de "recepvoyr et festyer" les princes et seigneurs ses
cousins et amis dans sa belle maison sise à la Hamayde, devant le pont de St Pol.
Alors que cette belle compagnie allait passer à table , le roi de Navarre , Philippe d'Evreux,
arriva en ville et descendit à l'hôtellerie du Cygne. Jean Bernier prévenu, s'empressa d'aller
supplier Sa Majesté navarroise de bien vouloir honorer de sa présence sa maison et les
princes qui s'y trouveraient réunis.
Le roi, apprenant la maladie du comte Guillaume, pensa sans doute qu'il valait encore mieux
diner chez un bourgeois que de diner au régime du comte voire...pas diner pas du tout...
Il accepta l'invitation et, parait-il, ne le regretta point...
ernier, en effet, s'étant piqué d'honneur, régala avec une magnificence vraiment royale
cette auguste assemblée , composée de deux rois, de huit comtes souverains, de vingt-
quatre des premiers seigneurs de la contrée et des dix plus notables bourgeois de la ville...
Chaque convive , roi ou duc , gentilhomme ou vilain, avait à ses côtés une
Valenciennoise, qu'on avait eu le soin de prendre parmi les plus distin-
guées et peut-être les plus jolies...
Gageons que cette galanterie ne fut, sans doute pas la moins appréciée
par les têtes couronnées et les preux chevaliers qui les accompagnaient.
es temps nous ont conservé les "récits d'un bourgeois de Valenciennes"
d'un chroniqueur anonyme de l'époque relatant non seulement la composition des tables,
mais aussi celle des mets et les noms des vins qui désaltérèrent ces nobles convives.
Du temps même de l'historien Valenciennois, Henri d'Oultreman qui l'écrit plus de deux
siècles plus tard, "la mémoire de ce banquet estoit encore aussi fresche, comme s'il n'y eust
que vingt ans que la chose fust passée".
Il parait que ce souvenir du "très riche très excellent et très
somptueux bancquet" que fist Jehan Bernier, bourgeois banneret de
Valenciennes, pour l'honneur de son seigneur et maistre le comte
Guillame de Haynau"...se fut surtout perpétué par les dames...
Nous ne pouvons que faire des conjectures et nous borner à consigner
ici les noms des illustres dineurs et ....
de leurs jolies voisines....
ais d'abord, plantons le décor...
Nous savons que l'événement se déroula dans la maison de Jean Bernier, il faut donc que la
Salle fut suffisamment vaste et confortable pour y recevoir autant de monde à un moment
aussi précoce de l'année...en effet, à la chandeleur, en février, il fait encore froid dans nos
contrées...
Il faut donc imaginer un, voire deux vastes foyers, probablement alimentés tout le long du
banquet, des chaufferettes de cuivre garnies de braises sans doute glissées sous les tréteaux
recouverts des draps les plus immaculés de la maison, repliées sur eux-mêmes et pour cette
raison, appelés doubliers afin que chaque convive puisse aisément s'essuyer la bouche entre
chaque bouchée.
Ces nappes provenaient de Flandre, de Troyes ou de Reims, en Champagne ; elles étaient
damassées comme celles qu'à l'époque des Croisades on tissait à Damas, en Syrie, et
s'achetaient au poids de l'or (Le prix d'une seule aune de ce tissu était en effet
l'équivalent de 200 livres de lé)... l'effet glacial des murs adouci par de grandes
tapisseries colorées... De ces belles oeuvres flamandes qui rayonnent de par le monde
aujourd'hui encore (1)...
ne salle donc, assez vaste pour recevoir comme il est dit, sept tables...près de
70 personnes...
Il faut aussi imaginer que selon les coutumes de l'époque, un seul côté des dites tables était
occupé, qu'il fallut donc pas moins de 90 mètres de draps pour en couvrir planches et
tréteaux jusqu'au sol...
Car il n'est pas question ici d'une table disposée
en U comme on le voit parfois sur des miniatures
de l'époque...
il est bien fait mention de six tables différentes...
Peut être aussi a-t-on dressé une estrade pour
la table d'honneur.
Sans doute, aussi riche la maison fut-elle, il ne devait y avoir de chaises en suffisance,
des bancs devaient garnir la majorité des tables, quelques ployants en X (2)...et
les "chaires"(3) travaillées par les imagiers les plus habiles furent-elles réservées aux
hôtes les plus nobles de l'assistance Regardez...voyez comme la mystérieuse vapeur des
torches fait rutiler les cuivres, les bronzes et les étains des hanaps et nefs (4)
ostensiblement exposées sur les dressoirs et les crédences...
Déjà, j'entend le brouhaha des voix et des sabots des cheveaux qui s'acheminent
vers la maison....
1)dès le 14ème siècle, les tapisseries flamandes connurent un grand succès, bien avant que la
peinture ne rencontre la perspective, car, en dépit du travail qu’elle exigeait, elle pouvait se
transporter aisément. Les grandes villes qui fournirent les plus grandes tapisseries furent
Bruxelles, Oudenaarde, Malines, Tournai et Bruges, mais également Arras. Elles servirent à
véhiculer des thèmes chrétiens, mais aussi de propagande, comme en témoigne la prise de
Tunis par Charles-Quint.
Outre une fonction d’isolation des salles des châteaux, elles servaient aussi à la propagande
des monarques, qui les emmenaient avec eux au cours de leurs campagnes guerrières.
C’étaient en quelque sorte, les témoignages de l’époque, les premières photos de guerre,
à la gloire du vainqueur...
2)le tabouret en X, hérité de l’Antiquité, est largement répandu car il se plie et se déplace
aisément. Le trône de Dagobert ou faudesteuil est une conjugaison du trône et du tabouret
pliant en X. Modifié tardivement par l’ajout des accotoirs et du dossier, c’est le plus
ancien siège français parvenu jusqu’à nous.
3)la chaire (vient de « cathédra » qui signifie siège, qui deviendra par la suite chaise) est
un siège très architectural en bois sculpté, symbole de la majesté. Elle fit son apparition au
Moyen Age et continua sa carrière jusqu’au début de la Renaissance. Ce siège d'apparat
était réservé au seigneur du Moyen-Age. L'assise était constituée d'un coffre auquel on
avait ajouté un dossier et des accotoirs. Elle symbolise le pouvoir et l'autorité de l'époque,
et faisait office de trône. Elle était parfois surmontée d'un petit toit appelé dais.
4)Il s'agit d'un objet en forme de navire, d'où son nom, et qui peut
contenir les épices qu'on garde sous clef à cause de leur prix.
Mais plus généralement, il s'agit d'un objet de décoration dont la
splendeur indique le rang de celui qui reçoit.Ancêtre des centres de
table bourgeois du XIXe siècle, elle peut être d'argent, de vermeil ou même d'or...
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