4 janvier 2012
Bourgeois de Valenciennes 5 l'infortune des Bernier
uelques années encore....Les Berniers virent leur fortune au zénith...
Le comte Guillaume Ier étant mort le 7 juin 1337,
son fils Guillaume II lui succéda.
C'est alors qu' arriva le moment
des retours de fortune et les persécutions...
l ne fut pas sitôt entré au gouvernement de ses Etats
nous dit d'Outreman, "qu'il attaqua les principaux bourgeois de cette ville de
Valenciennes que feu son père avait chéris et estimés. "
'est ainsi que le 2 janvier 1337, Guillaume jeune comte de Hainaut confisqua
les biens de Jean Bernier à son profit, comme son Castel des Prés à Maing,
qui sera racheté comme bien séquestré par Jean de Neuville, et ceux de
Jean Bernier le Jeune, fils de celui-ci au profit de la ville de Valenciennes.
Quant à Jean Bernier dit le moyen le petit-fils, qui était filleul de la comtesse de
Hainaut il sera exclu de tous les offices de la ville....
insi donc, six mois....ce fut le temps nécessaire à Guillaume II pour décider de
renier tous les bons et loyaux services des conseils les plus fidèles de son père,
"sans occasion, ne raison nulle sy non par envie et hayne qu'on avoit sur luy et sur
son estât, et espéciallement ceulx du conseil du conte de Haynau, lesquels à tort et
mauvaisement informèrent le dit conte que Jehan Bernier avoit révélé au roy
Philippe de France une conspiration qui avoit esté faite du bon conte Guillame
contre ledit roy".
Laissons encore la parole à notre chroniqueur
t furent les devant dits bourgois, tous présents au banquet de Bernier
"jugiés des eschevins de Valenciennes qui adont furent renouvelés et restablis,
et de ceulx qui mis y avoient esté pour l'année :
remier, Jehan de Caroubbe fut bannis de la ville, et à dix mille livres à la ville
et osté luy et ses hoirs du conseil et des offices de la ville.
tem. Le seigneur Jehan de Le Sauch fut banis de la ville, et à sept mil livres à
la ville, et osté luy et tous ses hoirs du conseil et des offices de la ville ; lequel
après reult la ville et fut remis en la conciliation d'ycelle.
tem. Sire Allart du Gardin fut ajugiés à deux mille livres, la moitié à la ville et
l'aultre de prest, et privés du conseil et des offices de la ville ; lequel puis y
fut remis.
tem. Jaques Le Chamgeur fut taxé à cinq cens livres à la ville, et osté du eonseil
et des offices d'ycelle.
tem. Jaques Gouchet fut banny de la ville et adjugié à trois mille livres à la ville.
tem. Jehan Dernier fut banny et adjugiés à perdre tout le sien qui estoit en la
ville et en la banliewe d'ycelle ; et ce de dehors fut aplicquiet et confisquiet
au conte de Haynau, ce qu'on en peult trouver, comme forfait par cas de lèzemajesté
mais madamoiselle sa femme reult sa maison et la terre de Vy qui est près d'Escaupont
pour ce que c'estoit son doaire.
t est assavoir que Jehan Dernier le josne fut condanpné, et osté luy et ses hoirs
des offices et du conseil de la ville, et ses parents jusques au tiercli getton, qui
puis y fut remis ; et eust esté le dit Jehan Dernier jugiés à grant domraaige de ses
biens et de son corps, et tout par envie et traytreuse hayne, se n'eust esté madame
Jehenne, jadis contesse àe Haynau et nonne de Fontenelle, sa mareine.
tem. Jehan Polie fut condanné à mille livres de prest à la ville.
t Jehan Party à mille livres de prest samblablement"
ans sa crédulité Guillaume crut tout ce qu'on lui rapporta et les accusa en outre
d'avoir fait défense au peuple « d'avoir recours et ressort à la personne de son
seigneur et comte » alors qu'ils étaient « grevés et oppressés » par le prévôt et les
échevins de la ville. Jean Bernier, le père, Jean son fils, furent en outre accusés d'avoir
révélé au roi de France les secrets du conseil du comte Guillaume Ier,
de lui avoir répété les alliances du comte de Hainaut avec Edouard III.
et de plus d'avoir, eux et leurs femmes, "usé de sortillèges" pour faire
périr le comte et la comtesse.
Cette accusation s'appuyait sur deux statues de bois que damoiselle Marie du Nouvion,
femme à Jehan Dernier l'aisné, et à damoiselle Billehault Dugardin, femme Jehan
Bernier le josne, avaient fait venir "d'ung bourgois d'Ippre qui les fist apporter du
pays d'Allemaigne, lequel estoit appelle Jehan du Coulombier et fist cest envoy pour
ce que c'estoit ainssy comme figure et exemple pour le monde, car les ymaiges estoient
par devant moult jollyement et gentement aornées de painture, et par derrière elles
estoient toutes creuses, wydes et trawées, et dedens les traux estoient bestes et vers
de boys, coulourés et paints comme la chose le requéroit, en dénottant et dëraonstrant
que, combien qu'on soit jollyt et plaisant au monde, tantost comme les gens sont
trespassés, ils deviennent cendres, vers, pourriture et de vermine et très-infecte ordure"
es dames ne croyaient si bien penser qu'effectivement, elles purent par la suite,
vérifier de visu, combien les vanités de ce monde sont éphémères....
es accusés prouvèrent que si les finances de la ville
étaient obérées, ce dont on leur fesait un crime,
c'était par suite des largesses faites par la ville au comte
Guillaume Ier et au comte Jean son père en maintes
circonstances. Ils n'en furent pas moins
emprisonnés, condamnés à de fortes amendes et bannis.
A l'évidence, Jehan Bernier l'aisné envié, haï fut trahi par ceux là même qu'il
accueillait chaque jour à sa table et rompaient le pain avec lui à sa table en lui
montrant fausse amitié et faux semblants...
Ses richesses, les honneurs qui lui étaient rendus exacerbant leur jalousie au paroxisme
omment imaginer que cet homme qui avait été au service et aux gages de Jean de
Hainaut et de la comtesse Philippe son épouse, puis au bon comte Guillaume son
fils et son épouse Jeanne de Valois, et les avait, tous, si bien et si loyalement servis dans
toutes les fonctions qu'ils avaient jugés bon de lui confier à Valenciennes et ailleurs
tel qu'il apparait dans les lettres signées du bon comte Guillaume et scellées de son grand
Sceau, ait pu trahir, pire encore...souhaiter la mort des maitres auquels il fut si dévoué
sa vie durant ?
l fut réduit à fuir, tandis que la nuit des trois rois, à minuit les sergents du comte
emmenèrent son clerc Lotard, en un "pré dalés" où on avait fait une fosse où il
"fut enfouy et couvert de terre tant qu'il fut pasmés et sur le point de morir" pour
le forcer par la torture à dénoncer son maître mais il brava toutes les souffrances
pour rendre témoignage de son innocence et leur demanda seulement " puisque ainsi est
que cy fault mort recevoir, pour Dieu faittes moy tost morir"
'est peut-être à ce clerc, si magnifiquement dévoué à la vérité, que nous devons ce
récit parvenu jusqu'à nous et qui, à côté de celui de Jehan Froissart, illustre
chroniqueur du moyen âge, nous a permis de placer une autre narration écrite aux mêmes
lieux par un de ses contemporains.
uant à Jean Bernier, lorsque le roi Philippe de France sut qu'il était accusé, il lui
manda, dit Une ancienne chronique, « qu'il vidast hors du pays de Haynaut, et
qu'il se vint en « France, » ce qu'il fit. Lorsqu'il fut à sa cour, Philippe lui fit subir
un interrogatoire pardevant les rois de Navarre et de Bohême, le comte de Flandre
et autres. Jean Bernier s'en tira à la satisfaction de tous.
'est alors seulement que le roi de France le fit son varlet entier et maître des
enquêtes en son parlement.
lus tard, après avoir recueilli de nouveaux renseignements, le roi lui donna des
lettres qui témoignaient de son innocence. Elles sont datées du bois de Vincennes,
le 7 novembre 1338.
ependant Bernier ne resta point en France ; il vint avec son fils a la cour du comte
de Flandre, dont il était pensionnaire, puis se
retira dans une chambre à l'abbaye de Saint-Saulve*
près Valenciennes, y attendant le résultat des
démarches que fesaient pour lui les rois de France,
de Bohême et de Navarre, le comte de Flandre
et une foule de seigneurs qui s'intéressaient à lui.
nfin, le comte de Hainaut reconnut la
fausseté des accusations portées contre
les anciens serviteurs de son père et notamment
contre Jean Bernier.
I résolut alors de proclamer hautement l'innocence de ce dernier...
Etant venu à Valenciennes, il convint, en présence des rois et princes déjà cités,
qu'il avait été induit en erreur sur le compte de Bernier, et méchamment conseillé à son
égard par des gens qui étaient ses ennemis personnels sous le règne du comte son père.
uis il se rendit « en l'église de monseigneur St-Saulve, d'emprès Valenciennes et
en la chambre dudit Jean Bernier », accompagné de sept des principaux seigneurs
de sa cour, du sous-prieur de l'abbaye et de plusieurs religieux, « et mit sa main en la
main de Jean Bernier, et dit que par la foi de son coeur que s'il eût en à faire ce qu'il
avait fait de lui et des autres bourgeois de Valenciennes, et on lui donnant mille livres
de vieux gros, qu'il ne ferait pas ce qu'il avait fait, et qu'il lui pesait moult et de coeur
de ce que si légèrement avait cru à leur contraire, et dit de rechef :
"Jean Bernier, mon ami, soyez à votre paix, et je vous ai en convent que je vous
ferai autant d'honneur que je vous ai fait de blâme".
uis le comte lui envoya, à St-Saulve, deux boeufs de Savoie, un pourceau de
Mayence, un mûid de blé et une queue de vin de St-Jangon. Enfin, il lui rendit ses
biens, sauf sa maison de Maing, et la terre de Thiant qu'il avait vendu et dont il conserva
le prix...
ette réhabilitation de Jean Bernier et celle aussi des autres bourgeois enveloppés
dans sa disgrâce, et tout ceux là même qui furent présents à ce banquet de 1334,
eut lieu en 1341.
e bon vieillard, dit d'Outreman, mourut audit St-Saulve, » cette même année,
le 14 avril, peut-être d'émotion d'avoir vu, comme le dit la chronique citée plus haut
«son prince reconnaître si humblement qu'il avait méfait. »
atons-nous cependant d'ajouter, qu'après avoir vécu avec tant d'éclat,de gloire et
d'honneur, ayant été prévôt de Valenciennes en 1316, 1324, 1326, 1330 et 1336,
1er conseiller et receveur général de la province du Hainaut, ayant vu l'inconstante
fortune lui tourner le dos... il lui fut encore permis de mourir dans l'opulence et d'avoir
des obsèques dignes de sa vie...
n rapporte entre autres que neuf abbés, vêtus pontificalement, y assistèrent.
Ses obsèques eurent lieu à l'abbaye, en habit de l'ordre de Cluny, avec une pompe
extraordinaire, il fut enseveli dans la chapelle familiale de l'église de St Jean où
reposaient pompeusement les cendres de sa famille ...
ais la vie va devenir tellement marâtre pour ses descendants, qu'en 1520, lorsque
cette église fut incendiée, y compris la chapelle des Bernier,l'abbé de St-Jean
voulant la racheter, il ne trouva plus qu'une pauvre femme de village , dernière
descendante de cette antique famille, qui vendit tous ses droits à l'abbaye pour un seul
mencaud de blé.
elle est la vicissitude des choses humaines et l'instabilité des biens de ce monde !
La maison qui vit au XIVe siècle tant de nobles convives devint par la suite la
demeure d'un honnête nourrisseur...
es salles ou les rois de Bohème et de Navarre savourèrent leur repas furent
transformées en étables, et dans ces lieux où nos dames du moyen-âge exercèrent
le pouvoir de leurs charmes... ne s'entendaient plus alors que les meuglements et bruits
de sabots des généreuses laitières de nos contrées et ne brillaient plus que leur
somptueuses robes crottées....
La guerre de cent ans était passée par là....
*Abbaye, fondée au IXe siècle ultérieurement attachée à Cluny. Elle était installée à
proximité d’une église des VIIe-VIIIe s. où la dépouille de Saulve, évêque martyr, reposa
vers 740.
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