Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Poussières de siècles
Archives
Publicité
Derniers commentaires
7 août 2011

Les métiers de notre arbre, le bourrelier 2

Thomas est prêt, son mulet harnaché, la carriole chargée, d'un regard appuyé il embrasse son bien le plus cher, sa Julienne et sa petite, il n'en fera pas plus que presser le bras de sa femme de ses doigts rugueux pour lui dire adieu.

Il jette un dernier regard à son enseigne ENSEIGNE BOURRELIER...
Le voilà parti en tournée, il passe devant "la croix de la cour" en granit qui est dressée là... en bordure du chemin de la cour depuis 1599, près de 190 ans déjà... 

Il se dirige peut-être vers la "ville Pichet", tenant de la main son mulet qui tire nonchalamment la charette bachée, où se trouve tout le nécessaire à son art...

Nul doute que sa venue est attendue, de l'ouvrage il y en a après les moissons, il faudra certainement rester quelques jours...

C'est plaisir pour la femme du laboureur, un peu de visite, n'est-ce pas ne peut que contenter ?

L'occasion de savoir ce qui se passe au "bourg", ce qui se dit et...ce qui ne s'y dit pas... 

Ces choses dont les hommes ne parlent qu'à mots couverts, et que les femmes, fines mouches, pourront se répeter à l'envie au lavoir... entre deux grandes savonnées qui s'éfilochent dans l'onde et  les éclats de rire en cascades qu'on ne peut se permettre qu'entre filles et qui s'envolent dans ce ciel si vaste pour rejoindre tout là-bas... au loin... la mer où les sirènes les volent et les enferment pour mieux séduire les hommes...

Le soir, adossé au mur de la grange où il dormira bientôt, il repense à sa journée, à la veillée la conversation a trainé sur les exploits des gens du Guildo...

On lui a bien souvent raconté la bataille de St Cast contre les Anglais en 1758 (1)... il était trop jeune...2 ans...il n'en garde de souvenir que ce qu'on lui en a dit...

Elle avait cependant apporté la misère, à St Malo d'abord et dès avant en 1757(2)(3) les plus riches des malouins avaient été ruinés et, par suite, le petit peuple réduit à l'état de pauvreté la plus grande et la plus douloureuse...

Au général Anglais Bligh, l'ennemi, car cette néfaste campagne où il chercha la gloire, brisa sa fortune et le couvrit d'infamies...

Elle apporta aussi la honte et le chagrin dans la famille Grumellon de St Lormel, dont Julien "le traître du Guildo" (4) était issu...Dieu merci...son beau-frère Jean, n'en faisait, apparemment pas partie (5)

Cette histoire du Julien...il n'y avait jamais rien compris, il n'était pas le seul, même messire Manet, recteur de la paroisse était formel...Il fallait qu'il y eut un traître et c'était lui !

Il n'avait cependant jamais été condamné, et le 29 août 1759,  il été sorti libre des prisons de Rennes ...

En 1780, il habitait encore au Guildo, vis-à-vis du couvent des Carmes, une petite maison d'où il pouvait voir le théâtre même de sa trahison.C'était un homme grand, maigre, portant cheveux longs et barbe noirs, les yeux bruns, le visage ovale le front haut et le nez mince, marchant droit et avec une sorte de tournure militaire. 

Il vivait seul, et personne ne le hantait" (fréquentait). 

"Souvent, les enfants le poursuivaient, en lui criant : « Va donc montrer le passage aux Anglais !"

Ni lui, ni personne ne l'avait plus jamais revu depuis, il était comme disparu...comme une vilaine idée qui vous poursuit sans relache, et se plante dans votre coeur à chaque instant, et tout à coup s'évanouit sans autre cause qu'elle n'était apparue ...

Le fils de la maison qui est pêcheur a évoqué aussi "la dame blanche" pour expliquer cette journée de bataille

Aux environs de Saint-Malo, lorsque des rubans d'azur apparaissent après gros temps, on les appelle « Sentes de la Vierge » elles sont la marque laissée par Marie, la mère du Christ, qui est descendue sur les flots enragés pour les calmer.BRUME SUR LA MER

Lors de la bataille de 1758, une dame blanche s'éleva dans l'air, sortant du vieux puits du village de l'Isle, patrie de sainte Blanche, c'était la Sainte Vierge qui jusque-là était restée inerte dans sa niche ...Elle descendit sur le rivage et glissa sur les eaux déroulant sans fin son voile de mousseline à la crête des dunes...

Voilà pourquoi, disait-il, pendant tout le combat, les Anglais tirèrent trop haut et ne firent que peu de mal aux troupes françaises.Il en voulait pour preuve le sillage aérien de son voile resté depuis sur les eaux dans ces parages laissant de longues et éternelles traînées blanches.... 

Les pêcheurs de la baie de Saint-Cast racontaient que, la sainte Blanche, née dans leur village, où elle est l'objet d'un culte, avait déjà été confrontée aux Anglais et que, l' ayant surprise ils l'avaient emmenée sur un vaisseau jusqu'à Londres, qu'elle leur échappa, et, cheminant sur l'eau, elle revint en quelques heures à son pays natal.

"Son parcours, qui est parfois encore visible, est le « Chemin de sainte Blanche ".

Plus tard, elle épousa un capitaine de vaisseau qu'elle suivit à la guerre, il fut tué dans un combat, et le découragement se mettait dans l'équipage lorsque la sainte sauta à la mer, et se dirigea à pied sec vers les Anglais qui s'enfuirent en toute hâte devant l'effroyable prodige.

Traversant la mer où elle laissa un chemin de brume immaculée, elle vint se replacer dans sa niche.

C'est vrai, Thomas en convenait..Lorsqu'il fait calme, et que la marée est à peu près haute, on remarque dans les baies, des rubans d'azur plus clair comme festonnés d'argent qui se détachent sur le bleu d'alentour...ENFANT THOMAS 3

Il remercia la vierge de cette aide providencielle et se signa

Oui... encore une fois une bonne journée de labeur...

Il pense à sa Julienne, grosse pour la seconde fois...

Nous sommes en 1784, il espère cette fois un petit gars, n'a-t-il pas déjà une fille la jolie petite Marie aux yeux d'un bleu si profond ?

Il ne se lasse pas de ses gazouillis, de son minuscule minois et des ses poignets si dodus, ils sont heureux, jeunes, forts, leur vie si pleine commence à peine...

L'enfant viendra au printemps, à la saison des peaux...

Une autre saison....une autre histoire...

Il vide sa pipe en la tapant sur son sabot, se lève, un peu raidi par la fatigue de la journée et rentre se coucher dans la bonne odeur du foin

(1) Persée : La trahison du Guildo d'après les documents du procès

(2)La guerre de côtes en Bretagne au XVIIIe siècle : Saint-Malo et la région malouine après les descentes anglaises de 1758 pages308/309

(3) le montant total des dévastations commises par les Anglais en 1758 s'éleva à 3.913.474 livres,18 sous,6 deniers(dossier C:4709 des Archives d'Ille et Vilaine)

(4) Julien Charles Grumellon sa tante, Henriette Jeanne, fait partie de nos ancêtres

 (5) Jean Grumellon

 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité